27 - Eugène -

Pendant ces vendanges, Tchoi raconte une anecdote sur son envie d’avoir enfin un garçon. Depuis leur mariage, Joséphine et Tchoi avaient déjà eu trois filles : Henriette, Marie-Louise et Marie. L'aînée est d'ailleurs appelée couramment Sidonie.... Tchoi racontait, qu'au deuxième accouchement, la sage-femme vient le voir, et impatient, Tchoi demande : « Alors, dites-moi, c'est un garçon ? » et elle lui fait signe de la tête « non », « Ah ? Encore une fille alors... ». et l’accoucheuse de répondre : « Non, deux ! ». Tout le monde éclate de rire, mais le rire retombe vite quand ils apprennent qu’une des jumelles n’avait pas survécu.

« Enfin, je perds pas espoir d’avoir un niston, què ! »

Louise rêvait souvent à son bel italien Luiggi. Il est reparti vers son Italie natale, promettant de revenir bien vite, dès qu'il y aurait du travail. En attendant, ils s'écrivent régulièrement. De petites cartes gentilles.

Le bar marche bien, en grande partie grâce aux ouvriers travaillant sur l'installation de ligne de chemins de fer, mais aussi des militaires des forts. Un jeune officier en particulier vient tous les jours pour acheter ses cigares et ne quitte pas Louise du regard. Plutôt bel homme, aussi grand que Louise est pitchoune, svelte, des mains fines, longues et aux ongles nets. De temps en temps, il lisse sa fine moustache blonde avec beaucoup de précautions. Il fait ce geste lorsqu'il réfléchit... mais à quoi ?

Son uniforme bleu, bien coupé lui donne fière allure. Il n'est pas exposé à s'embarquer car employé au fort de la Colle Noire. Très peu assujetti par ses fonctions, il passe tous ses dimanches avec les Fournier.

Il est marin par l'uniforme, sans l'être vraiment par le fait. Pour Marie-Augustine, il est promis à un bel avenir et convient très bien pour Louise.

Il les accompagne à Toulon, leur faisant découvrir le Grand Théâtre pour écouter du Bel Canto, les invite à déjeuner au cercle des Officiers de « l'armée de la Mer » : le café de la Marine, puis à écouter des concerts que « la musique de la Flotte » donne au kiosque de la place d'Armes, ou encore ils vont applaudir Félix Mayol au Casino, sur le boulevard de Strasbourg...

Mayol se produit au Casino de Toulon. Le kiosque de Musique sur la place d'Armes

A Toulon, ils prennent le tramway électrique pour aller au Mourillon passer la journée dans l'établissement « chic » des Bains Ste Hélène.

Marie-Augustine accompagne toujours Louise et Eugène. Baptistin ne vient que rarement. Emile y va quelquefois. Il préfère apprendre la musique et jouer du buggle avec « la Renaissance ».

Marie-Augustine est éblouie, Sa façon de lui baiser la main avec beaucoup de grâce lui inspira d'emblée la plus haute estime et le plus profond respect...Beaucoup plus que Louise, qui n'aime pas sa façon de débiter les compliments. Elle lui trouve la voix fausse et mielleuse.

Lorsque les parents d'Eugène viennent passer quelques jours auprès de leur fils, c'est tout naturellement que les époux Fournier les invitent à déguster une bonne daube. Ils apprennent ainsi qu'Eugène est l'aîné d'une fratrie de 6 enfants : Marie, Louis, Alice, Donat, Georges et Marie-Rose. Ils habitent à Baume-les-Dames, dans le Doubs en Franche Comté. Pierre-Félix (le père) est facteur, étant fils unique il a hérité de quelques terres et Pélagie (la mère) possède quelques biens également.

Ils ont pu assister à l'installation de l'électricité au Pradet : le 14 juillet 1905.

La gare du Pradet est inaugurée le 21 août de la même année, ainsi que la ligne du train Sud-France Toulon-Nice.

Il s'agit d'un bâtiment de 3ème classe -30 voyageurs/jours, 2 portes ou fenêtres/étage- avec une halle de marchandises, deux voies principales et deux voies marchandises, un château d'eau de 50 m³ et 3 grues hydrauliques.

Constantin n’aura pas connu la gare, il a quitté ce monde le 1er octobre 1903, à 73 ans.

La gare du Pradet